Fantasmagorie flamande, retour d’éditeur…

Y’a un bonheur particulier à lire un livre que vous avez édité, porté, paginé. Un bonheur et des fois des retouches, encore, avancer un peu, encore, dans la mise en forme du texte. Mais cela ne s’arrête jamais. C’est l’urgence qui sort les livres.
On aurait bien aimé les garder au chaud dans l’ordinateur encore un peu, les peaufiner. Non.
Le monde les appelle.

Y’a un bonheur particulier à lire un livre qui existe par soi. Par ces drôles de chemins qui font les rencontres. Entre moi et un texte, un texte et une personne, une personne qui a écrit ce texte, un texte qui me plait, me plait sans que j’y retouche quoi que ce soit.
Et le bonheur espéré que le chemin se fera entre le texte et son lecteur. Un lecteur suffit.
Un chemin. Par le livre. Autre scène.

Là, la boucle est bouclée. Là, le lecteur c’est moi.
Paginé, relié, dans les mains. Séquence de feuillets tournés.
Le texte sous les yeux.
Autrement.

Dès les premières pages je me demande ce que Francis Delabre penserait de ce livre. Je crois qu’il aimerait ce Fantasmagorie Flamande et qu’Anne-Sophie aimerait Vis d’Eternité de Francis Delabre. Je vais tester. Leur envoyer -chacun- le livre de l’autre.
Leur tessiture de « je » est proche.
À mes yeux.
D’bigleux…

Demain Anne-Sophie vient au vernissage de Stephane Cauwel. S’entendront-ils comme texte et dessins s’entendent, s’imbriquant à merveille dans le livre?

En continuant la lecture je sais pourquoi précisément j’ai édité ce texte. La fulgurance, l’explosion, la friction entre deux mondes, l’ici et l’esprit cyclonique, le dehors et le dedans bouillonnant, deux états, une potentielle incompatibilité et entre deux: l’énergie.
L’irruption dans le présent de nos réalités mentales augmentées, la vision ou l’hallucination. Le choc des mondes. Du monde. De l’autre. Le clash des identités. La distance.
En un instant annulée.
Là en moi.
Plongé.
Dedans.

Le présent de la fête, subie, noël. Le décorum, le conte de noël ritualisé, passage obligé. L’instant présent du moment sacralisé. La communauté. De chair. Versus l’esprit. Ma communauté.
Ces flots de références qui nous habitent, les nôtres, choisies, et les autres, souvent, subies.
Le tout dans l’instant. Cru.
Comment accorder tout cela?
Sans s’y perdre. Enfiler le masque sans qu’il se mette à vous étouffer.

Et la communauté du texte. Les premiers migrants. J’aime aussi ça -mais ça je ne le sais que depuis sa sortie- connaitre tout ce petit monde qui a porté le texte, depuis Georges, aux correcteurs psychorigides mais efficaces…
Mettre des noms sur les remerciements que j’ai viré.
Des fois un peu trop minimaliste.

Et apprendre qu’ils visionnent -à Paris- quand le cafard approche, un petit film d’une voiture roulant sur la digue du break, la voiture de Facteur Hippocampe allant chercher son bois flotté. Des liens se tissent, de choses posées, vidéos, textes, qui trouvent leur place dans des univers même distant. Le jeu du partage. Le jeu du nuage.

Faudrait lui en envoyer un aussi, à Facteur Hippocampe, un Fantasmagorie, avec un petit mot d’Anne-Sophie.
C’est pour eux aussi, tous, proches, que je fais des livres.
Ce livre.
Et les autres.

Pouvoir situer, au bout de quelques pages lues, Fantasmagorie à côté de Vis d’éternité, ou récit de vie s’entremêle à un regard, ce regard est une fiction, ce texte est une auto fiction, mais pas au sens « narratif » du terme, juste au sens du regard. Tout regard est une fiction.

Vis d’un côté et Michel, et tout autour de lui des choses de l’autre. Récit, cut-up, de Stéphane Barthez, où l’on retrouve l’émergence, la fulgurance des références qui s’organisent pour produire texte, système, propre. Sans trop de « je ». Juste les ciseaux.

Le « je » apparaitrait-il au moment de l’exporter? Dans cette friction au monde extérieur? La naissance, dans cette friction, de cette fiction du « je »?

Fantasmagorie se prose comme Vis, avec cette même gouaille.
Et s’approche du cut-up hallucinatoire brut de Michel.

« Ici, l’homme et le paysage ne forment qu’un tableau, bouleversant. »
« Mon moi profond est inextricablement enraciné dans le paysage duquel je viens. »
Mon archet.

Et ces références, communes, Don Quichotte… la fenêtre du train.
Voilà La Mancha qui se pointe, avec Liron et Maisetti.

Fantasmagorie flamande est un étirement du je à la limite de la flaque.